Hommage au rossignol des Aurès
«La veille de sa mort, il a laissé une somme d'argent pour préparer un dîner aux pensionnaires de la maison de retraite de Batna.» «La mort ne surprend point le sage, il est toujours prêt à partir» dixit La Fontaine.
Les algériens ont été surpris par le départ pour le moins inopportun et d'autant plus émouvant que la famille artistique s'est réfugiée dans une tristesse profonde visible dans le regard des fans du king de la chanson chaouie, ali Nasri, dit Katchou, relativement à «cachot» l'un des maquis de Batna ayant servi d’abri aux moudjahidine de la révolution. Jeudi dernier, une atmosphère de deuil et de tristesse régnait sous le ciel brumeux du petit patelin relevant de la commune où la star a été inhumée, en présence d'une foule immense de citoyens, d'artistes, de fans et de responsables, hakim kahina, nasredine horra, djoumati, ferfi, hassan dadi et d'autres figures artistiques venus rendre un dernier hommage au défunt.
Cette marrée humaine présente au cimetière a été informée de la disparition de katchou 2 heures après le terrible accident qui a mis fin à ses jours. C'est quelques secondes avant la fin du JT de 20 h que la présentatrice a annoncé la nouvelle au grand public massé devant l'écran, en attente du début de la rencontre sportive opposant l'équipe nationale de football à celle de l'uruguay. La nouvelle est tombée comme la foudre sur les téléspectateurs. «Nous venons d'apprendre à l'instant que Ali Nasri dit katchou est mort dans un accident de la route» a-t-elle annoncé. Une semaine avant, le défunt a déclaré à la presse qu'il était en train de préparer une tournée artistique qu'il devrait effectuer le mois de Ramadhan tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.
Nul ne peut arguer sur les imprévus du destin. La voiture à bord de laquelle il était en compagne de son ami Delinda a été violemment heurtée par un poids lourd venant en sens inverse. Katchou est décédé sur le coup alors que son ami a été évacué en urgence à l'hopital de Aïn Touta où il se trouve dans état jugé très critique.
On déplore aussi la mort de deux autres personnes. Ont pris part aux obsèques du défunt plusieurs figures politiques, intellectuelles et artistiques, entre autres, le secrétaire général du ministère de l'intérieur et des collectivités locales, le représentant de la ministre de la culture, Mahmoud khedri, ministre des relations avec le parlement, fils de la région, le directeur de l'ONCI, M. Lakhdar Bentorki, Nasreddine Horra, Hamid Belbacha, Hassan Badi, Hakim Kahina et bien d'autres non moins célèbres.
Il convient de rappeler que la vedette des Ouled Chlih a passé son enfance au petit village de Hamla, à 15 kilomètres à l'ouest de Batna, avant de s'installer définitivement au quartier populaire Kechida. Son premier album était Agoudjil, composé par Salim Souhali. Il doit son renom à la célèbre chanson dédiée à la femme algérienne, «Nouara».
Depuis le début de sa carrière artistique, sa prédilection s'était portée sur la chanson engagée, sa musique et ses paroles vont directement au cœur de son auditeur, tout bonnement parce qu'ils traitent de la condition de vie de la majorité écrasante des algériens. Il a beaucoup chanté pour l'enfance déprimée, pour la femme algérienne qu'il vénère énormément, pour la nation aussi. Cela sans pour autant oublier les chansons à caractère religieux qu'il composait. Dès son jeune âge, il n'a jamais hésité à dessiner le sourire sur les lèvres des pauvres en animant leurs fêtes de circoncision surtout.
Il est parti au moment où il avait dans son agenda un riche et varié programme non encore mis en œuvre, dont la réalisation d'une opérette en hommage au symbole de la révolution des Aurès «El-Hadj Lakhdar». Depuis qu'il a accompli le pèlerinage en 2005, on le voyait de moins en moins sur scène. Sa plus récente présence artistique était lors du Festival de Timgad où il avait fait vibrer le grand public avec de belles chansons. Il est mort comme Samir Staifi et Kamel Messaoudi. Il devrait chanter son dernier album «Hey Demi Demi et Ana wech edani» au Festival arabe de Djemila. Son premier tube, «Babour irouh», sorti en 87, ne dépassait pas les frontière de Batna.
Katchou a réussi à regrouper autour de lui des fans de tous les âges et des deux sexes de tous les coins du pays et ce, grâce à ses tubes qui continuent à déferler aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Les années 92 et 93 ont constitué une période ponctuée par des apports musicaux de divers horizons, anglo-saxons surtout. Le défunt a enregistré au cours de sa vie artistique sept albums. Ces meilleures chansons sont, selon les critiques, «Hey Demi Demi, Yala, Delali Delali, Hami Hami». Pour rappel, il y a une dizaine de jours, le frère du défunt a involontairement tué un citoyen de Batna de la famille Ferziz, et ce, dans un grave accident de la route.
La victime qui se trouvait sur une bicyclette a été heurtée par un tracteur conduit par l'auteur du drame. Depuis, des rumeurs ont circulé, disant que l'un des deux fils de katchou a tué ce citoyen. L'information a été démentie par le chanteur. Faut-il dire que la radio de Batna a interrompu ses émissions ordinaires le jour des funérailles pour permettre aux centaines de fans et admirateurs de présenter leurs condoléances à la famille Nasri endeuillée par la perte tragique de son fils.
Mais, comme le dit bien un penseur, le deuil est parfois une réponse inappropriée à la mort, quand une vie a été vécue vraiment honnêtement, vraiment avec succès, ou simplement vraiment, la meilleure réponse à une ponctuation finale de la mort est un sourire. Reste à ajouter au bout du compte que katchou est l'une des 88 personnes tuées la semaine dernière dans un accident de la route.
le temps d'Algérie, 15 08 2009