Biographie : Othmane Bali
De son vrai nom Mebarek Othmani, Othmane Bali est né au mois de mai 1953 sous le palmier le plus haut de Djanet, dans le Grand Sud algérien au quartier dit Ouballou. Ayant grandi dans une famille de mélomanes, la musique était sa langue maternelle. Sa mère et un de ses oncles seront pour beaucoup dans sa formation musicale. Après des études secondaires à Tamanrasset, Bali suivra une formation dans le paramédical à Laghouat, avant de la parfaire à Ouargla où il sort comme infirmier. Il servira à l'hôpital de Djanet jusqu'à la fin de ses jours, n'interrompant son travail que le temps d'une tournée avec son ensemble. Bohémien dédaignant l'aspect pécuniaire de la vie artistique et ses paillettes, Bali logeait dans un modeste F3 d'un petit immeuble de deux étages, dans le quartier de Zellouaz, depuis le début des années 1980, à l'ombre du Timbeur, un majestueux rocher emblématique de Djanet. Son salaire d'infirmier était sa principale source de revenu. virtuose qui a fait deux fois le tour de la Terre, qui s'est produit à Paris, Londres, Berlin, Prague, Pékin, Caracas, Copenhague et, tout dernièrement, au Japon, à l'occasion de l'Exposition universelle d'Aïchi. Bali était très pieux. Humble. Humain. Charitable. Généreux. C'était aussi un père modèle. La discographie de Bali pourrait être jugée dérisoire comparativement à la richesse de son répertoire. Le premier album qu'il a enregistré remonte à 1986 avec Cadic. Devant le peu d'enthousiasme des producteurs nationaux pour sa musique, Bali part enregistrer son second album à Paris avec la maison de disques All Stars dirigée par un bassiste et percussionniste franco-américain, Steve Shehan. C'était en 1995. L'album s'appelait Assouf (nostalgie), il sera suivi deux ans plus tard par un deuxième CD, Assarouf (le pardon). Acclamé par son public qui ne cessait de s'élargir en Algérie, Bali songeait, peu de temps avant sa tragique disparition, à réaliser quelques opus en Algérie, précisément chez Belda Diffusion. Il s'agit, en particulier, d'un disque qui devait s'appeler Kef Noun, et qui est en fait un concert live enregistré à Caracas. Sollicité de partout, Bali avait plusieurs tournées au programme. Il avait entamé un duo avec Jean-Marc Padovani dans le cadre du festival européen, travail qui devait s'étaler sur deux ans. La ministre de la Culture, Khalida Toumi, qui est très sensible à sa musique, devait lui organiser une tournée dans tout le pays. Par ailleurs, il avait été contacté pour se produire dans plusieurs capitales occidentales. Autant de projets que son ensemble devra désormais réaliser sans lui. Notons que lors des derniers mois, il avait fait une tournée à Alger, Constantine, Annaba et Oran grâce au précieux concours du Centre culturel français d'Alger et des centres régionaux dans le cadre d'un programme initié par l'Union européenne. Bali avait son répertoire personnel. Sa mère nous dira qu'elle ne connaissait pas tout de son patrimoine musical. En plus de ce qu'il avait appris de sa mère et de son oncle maternel, Bali avait considérablement enrichi la musique targuie et principalement tindie. “Bali a cassé deux tabous : il a introduit un instrument à cordes, en l'occurrence le luth, et il chantait. Or, seules les femmes chantent et seules les femmes jouent des instruments à corde dans la culture targuie”, souligne un connaisseur. Son fils Samir insiste sur le côté perfectionniste de son père. Quand il prenait son luth pour chanter, il entrait dans une sorte de transe “mystico-acoustique”, disent ceux qui l'ont connu. “Quand il chante, il exige le silence absolu. La moindre interférence le déstabilise. Un jour, à l'occasion d'un concert à Illizi, mon père se vit déconcentré par une femme qui avait lancé un youyou. Il était tellement contrarié que cela nécessita son évacuation à l'hôpital”, raconte Samir.
Abderrahmane Chari Ali, 40 ans, danseur et percussionniste, compagnon de route de Bali depuis les années 1980, insiste sur la nécessité d'un vrai travail de mémoire autour de l'œuvre de son maitre : “Il est triste de constater que Bali est plus connu et mieux considéré à l'étranger que dans son propre pays. Je serais peiné que la France lui fasse honneur plus que l'Algérie”, plaide-t-il. Bali déclarait tout récemment : “Je chante l'Algérie, le monde musulman, l'amour du désert. Je m'efforce de représenter le miroir de la personnalité algérienne où chaque citoyen de notre pays se retrouve. Je veux raviver nos racines qui sont notre raison de vivre. Un arbre sans racines ne poussera pas et ceci est valable pour notre communauté qui ne peut se développer sans la culture de ses racines.” (Horizons, 24 mars 2005). Il se plaisait à dire, rapporte son fils, que “la musique, c'est comme le sourire, c'est une langue universelle. C'est une langue qui ne nécessite pas de traduction.” C'est une perte immense pour l'Algérie .