18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 20:26

Messaoud Medioni

Article traduit de l'anglais par Jacques Karoubi.

Saoud oranaisMessaoud El Médioni surnommé Saoud l'Oranais est né en 1886 à Oran. Il descendait d'une longue lignée familiale de musiciens et il semble qu'il ait enregistré pour la première fois pour Pathé à l'âge de 26 ans  (la première mention du nom de Saoud l'Oranais est dans un catalogue de Pathéphone à partir de 1912).

Ce même catalogue d’enregistrements en 1912 présentait en vedette le chanteur Ed. Yafil (Edmond Nathan Yafil) et Mouzino décrit comme "Élève de Sfindja"  un élève du grand maître Andalou qui avait encore besoin d’être cité selon ses origines.

Tout au long des années 1910 et dans les années 1930, Saoud se produisit régulièrement avec El Moutribia, le premier orchestre indigène d'Algérie (et le plus juif). Il se vit d’abord décerné le titre de cheikh au début des années 1920 et à la fin de cette décennie, il occupa la fonction de président de la Société de Chant à Oran. Pendant un moment, il a collaboré avec José Huertas à Oran et a également été nommé  directeur de la Mouloudia, première Société oranaise de musique orientale. Saoud fut heureux d’introduire ses enfants dans le monde de la musique et enregistra avec son fils Henri et s’arrangeât pour que  son fils Georgeot enregistre pour Parlophone à l'âge de 12 ans. Son plus célèbre descendant musicien, son neveu Maurice El Medioni, est bien sûr, encore très vivant et remarquablement, toujours performant.
Parmi ses nombreuses réalisations, il faut citer les chanteuses qu’il a protégées. En effet, il a donné sa  chance à une jeune fille juive aveugle du nom de Sultana Daoud et en peu de temps elle devint  « Reinette l'Oranaise ». Sur les premiers enregistrements de Reinette, le présentateur braillait, "Sultana Polyphon ... Reina ... Élève de Saoud." Le terme "Élève de Saoud"  était une puissante image de marque et a été attaché à un certain nombre de musiciens tout au long des années 1930.


Saoud enregistrait de manière  prolifique. Sa musique se trouve sur Pathé, Polyphon, Parlophone, HM, Philips, et Baidaphon. Sa gamme est assez remarquable. Il a chanté Gharnati, Hawzi  ainsi que des chansons plus légères sur l'équipe Championnat de football d’Oran. Quand il ne chantait pas, il gérait son propre bar,  le Café Saoud, dans le Derb, le quartier juif d'Oran.
Dans la seconde moitié des années 1930, Saoud a élu domicile à Marseille. Rien d’autre n’a pu lui procurer plus d’opportunité. En effet,  s’est joint à Saoud un flux constant de musiciens d'Afrique du Nord juifs et musulmans qui ont fait de la métropole leur base dans les années 1930. Comme à Oran, Saoud a exploité un café dans sa nouvelle ville d’adoption.

Marseille le port et la canebiere en 1930Marseille - Le port et La Canebière en 1930

 

Et puis, en Juin 1940, Saoud se trouva tout à coup derrière les lignes ennemies. L'occupation allemande du nord de la France avait marqué le début de la montée d'un régime collaborationniste, connu sous le nom de Vichy, basé dans la moitié sud du pays et notamment à Marseille. De là, les choses se troublent. Nous ne savons  pas comment s’est déroulée la vie pour les Saoud et leur  famille pendant ces années, mais elle a été  sûrement terrifiante.

Dans la soirée du 22 Janvier 1943, quelques mois après l'opération Torch, au cours d’ une rafle massive de Juifs à Marseille, les Allemands déportèrent Saoud, son fils, et d'autres encore à Drancy, le camp d'internement juste à l'extérieur de Paris. De là, Cheikh Saoud l'Oranais, maintenant plus que jamais Messaoud El Médioni (pour quelques-uns qui l’auraient reconnu), a été déporté au camp d'extermination nazi de Sobibor. Le 23 Mars 1943, Saoud et son fils Joseph, 13 ans, ont été assassinés.

Sobibor

 

 

À certains égards, il est plus facile d'insister sur sa mort que sur sa vie exceptionnelle. Ses enregistrements sont devenus très rares.

Ainsi, j’ai  posté un morceau de la collection Sultan récemment acquis afin que nous puissions honorer cette vie. Étant donné que nous étions  à la fois le jour du Yom Kippour et de l'Aïd (au moment de la rédaction),  j’ai pensé  que son "Idd El Kébir (Aïd al-Kabir)", enregistré à la fin des années 1920 pour Pathé était plus appropriée.

Rappelons-nous que cet enregistrement date de l’époque pendant laquelle les musiciens juifs d'Afrique du Nord comme Laho Seror et Mouzino effectuaient à la mosquée des cérémonies de commémoration, et lors des  soirées du Ramadan se produisaient des artistes juifs comme Sassi Lebrati dans les cafés de la Casbah et dans des salles de concerts, les Juifs comme Saoud l'Oranais chantaient les fêtes musulmanes comme l'Aïd -el-Kebir.

Par Chris Silver

Judaicalgérie.com

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