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رشيد قسنطيني Rachid Ksentini |
محمد الكمال Mohamed el Kamel |
محمد توري Mohamed Touri |
محي الدين بنتير Mahieddine bentir |
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Sid Ali Fernandel (1923-1977) de son vrai nom Chabane Haouat
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Aissa (inconnu)
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Vidéos de l'époque coloniale sur l'Algérie
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Bob Azzem
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Alberto Staifi
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Mohamed Touri : Considéré comme l’un des plus illustres comiques de l’histoire de l’Algérie
Considéré comme l’un des plus illustres comiques de l’histoire de l’Algérie, Mohamed Touri, de son vrai nom Bennassi, est né à Blida le 9 novembre 1914, dans une famille conservatrice.
Ce qui ne l’empêcha pas de s’intéresser tôt au domaine de l’art, y étant irrésistiblement attiré, par sa vocation d’artiste doué de qualités remarquées par son entourage. Notamment son don inné pour faire rire, sa grande taille, ses longs bras, son langage improvisé et sa mine de pauvre type accablé de soucis qu’il assume dignement, ayant vite fait de le placer dans la voie de consécration, qui l’affirmera comme l’un des artistes les plus appréciés de son époque.
C’est en 1928 que Mohamed Touri noua ses premiers liens avec le théâtre en adhérant à la troupe «El Amel» des Scouts musulmans algériens (SMA) de Blida. Il avait alors 14 ans lorsqu’ il s’inscrivit à la formation constituée par Moussa Kheddaoui, le père fondateur de pratiquement toutes les associations de la ville des Roses. Auparavant, Mohamed Touri suivait ses études dans des écoles blidéennes, avant de rejoindre une école de l’association des Oulémas musulmans à Constantine.
Revenant à sa ville natale en 1933, il adhéra à l’association de comédie et de musique «El Hayat» que présidait cheikh Mohamed Lakehal. L’association s’intéressait surtout à la promotion de la musique andalouse et comptait parmi ses adhérents les futurs grands maîtres blidéens de la chanson andalouse, en l’occurrence Dahmane Ben Achour et Mohamed Benguergoura, Blida étant connue en cette période pour être l’une des villes les plus animées en matière d’activités artistiques et culturelles en général.
Gagnant en expérience en matière d’expression théâtrale, Mohamed Touri conçut sa première pièce théâtrale, El Djouhala el medda’ine el ilm (Les prétendus savants) en arabe classique, puis continuant sur sa lancée, il en vint à fonder une troupe de spectacle, la toute première créée à Blida et qui produisit nombre de sketches et pièces théâtrales. Citons, entre autres, Les malheurs du pauvre, composée par Moussa Kheddaoui, mais Mohamed Touri écrivait aussi ses comédies empreintes d’un ton social, exposées dans un premier temps en arabe littéraire.
Mais il dut, par la suite, recourir à l’usage de l’arabe dialectal populaire. A l’instar de ce qu’entreprirent, auparavant, les fondateurs Allalou et Ksentini qui avaient recouru à la langue daridja (dialectal), parler de tous les jours, beaucoup plus par souci de se faire comprendre par les larges couches de la population algérienne que par considération du taux d’analphabétisme élevé dans les milieux populaires.
Car, pour les spécialistes du quatrième art algérien en évolution, le recours au langage populaire était une option stratégique, quand bien même le large public des couches populaires aurait été suffisamment alphabétisé, l’usage du langage littéraire des plus éloquents n’aurait jamais les mots porteurs du dialectal auprès des masses populaires.
Ce qui fut vérifié avec sa célèbre pièce Le Kilo, considérée comme l’une de ses œuvres-maîtresses en arabe dialectal populaire qui contribua à rehausser sa renommée partout où il la présentait, notamment à Alger, Oran, Constantine, etc., suscitant l’admiration du public qui vibrait à ses intonations familières.
Ce franc succès auprès du large public incita Mohamed Touri à poursuivre ses tournées triomphales, tellement l’auteur était apprécié pour le ton hautement satirique de ses représentations donnant à voir, souvent, «les anomalies ou tares d’une société à la recherche d’elle-même». Selon des témoignages d’anciens de la ville des Roses, la plupart du temps, les recettes de ces représentations étaient destinées à des projets de bienfaisance et d’aide à des médersas, notamment durant les fêtes religieuses, dont celle de grande ferveur populaire du Mouloud Ennabaoui.
En 1942, Mohamed Touri décida, sur conseil de Rachid Ksentini, d’aller tenter sa chance à Alger, où l’ambition de monter sur le plancher scénique du grand théâtre de la capitale était soumise à une rude concurrence. C’est que d’autres comédiens faisaient également leurs débuts, et tout autant doués de grandes qualités artistiques, mais cette pléiade d’artistes algériens qui allaient devenir des amis, des frères et sœurs d’un noble métier très chéri, quoique rarement gratifiant au plan socioprofessionnel, savaient se montrer solidaires et s’entraider entre eux. C’était l’époque des débuts de Rouiched interprétant son premier sketch Drafe square dans la troupe de Réda Bey que dirigeait Mahboub Stambouli, ou de Badredine Bouroubi, affûtant dans cette même troupe ses armes de comédien comique et de chanteur-compositeur prometteur.
Ou encore de Sid Ali Houat, dit Fernandel, qui allait faire un tabac avec ses célèbres chansons Yemma, marti ou ana et Balek me’trig (au refrain popularisé, reprenant : Balek me’trig ; Ahou et’tahqiq ; Houma yerf’douk ; Bel’djallala). Durant cette même période, le futur virtuose Hassan El Hassani (dit Boubagra), mettait déjà en place sa troupe théâtrale à Berrouaghia et s’apprêtait à faire une entrée triomphale sur les planches scéniques de la capitale.
Parvenant, pour sa part, à intégrer la troupe théâtrale de la radio que dirigeait Mahieddine Bachtarzi qui le voyait d’un bon œil compte tenu de ses grandes aptitudes artistiques, Mohamed Touri allait d’ores et déjà se mettre sur la voie du grand maestro Rachid Ksentini (à l’instar des deux autres piliers du théâtre algérien, Allalou et Bachtarzi), ne tardant pas à s’affirmer, en plein cœur de la capitale.
Interprétant divers rôles dans le théâtre, il s’illustra notamment dans les représentations Le boxeur, Zaït, Maït ou Neggaz el hit et également dans certaines productions audiovisuelles, entre autres La voleuse de Bagdhad, El Maarouf, Iskafi Misr, et autres spectacles et chansons populaires.
Affûtant ses armes, Mohamed Touri ne cessait de perfectionner son art au fil du temps et parvint à acquérir une grande réputation grâce à ses prodigieuses capacités dans les rôles qu’il interprétait. Dans ses pièces, Mohamed Touri veillait personnellement à ce que le langage populaire utilisé ait constamment des intonations artistiques, aux mots chargés de valeur significative qu’il répartissait en séquences (halqate) et scènes exposées «dans des quiproquos qui s’achevaient toujours par une solution au profit du bien, la société et la vertu spirituelle».
Interprétant des rôles dramatiques que soulignaient son aspect constamment tristounet et son verbiage concis et raréfié alliant à «une sobriété de gestes à un flegme tout britannique», comme on a pu écrire à son propos, c’est tout naturellement que Mohamed Touri allait être surnommé, en 1955, par un journal algérois «le Buster Keaton algérien». Juste appréciation de l’interprétation remarquable d’un comédien qui s’était aguerri au contact des planches depuis des années aux côtés, notamment, de Fatma Rochdi et Mohamed El Kamel, après qu’il s’était confirmé dans son profil artistique de prédilection tout désigné du comique, pour ne pas dire tragi-comique.
Autant dans la vie courante il se caractérisait par un ton naturel, triste, autant il apparaissait comme tel sur scène, renforçant souvent l’intensité dramatique de certaines scènes émouvantes. Et quoiqu’il suscitait les éclats de rire du public autour de lui, faisant crouler toute une salle, il n’esquissait jamais lui-même l’ombre d’un sourire.
Après le débarquement des alliés durant la Seconde guerre mondiale et ses répercussions en Algérie, l’artiste fut contraint, comme tous ses pairs, à interrompre sa carrière artistique et dut reprendre son premier métier de maçon. Mais en 1946, délaissant la truelle, il entreprend une tournée au Maroc en compagnie de la future star Keltoum, s’offrant l’opportunité là-bas de se produire dans plusieurs pièces théâtrales, dont Si El Houari, El Hamel, Le Champion…
En 1947, Mohamed Touri renoua avec le théâtre en Algérie, en participant à des tournées organisées par Mahieddine Bachtarzi, comme il rejoignit cette même année l’Opéra d’Alger dont la section arabe était sous la férule du ténor du théâtre algérien, ce même Mahieddine Bachtarzi que côtoyait, alors, d’autres artistes tels Rouiched, Djelloul Bach Djerrah, Allel El Mouhib et Mustapha Kateb.
L’insurrection nationale déclenchée contre l’occupant colonial français, Mustapha Kateb sera nommé à la tête de la troupe artistique du FLN instituée en 1958 à Tunis, cette même formation à laquelle échut le rôle de contribuer à sensibiliser l’opinion internationale sur la question nationale à travers ses multiples représentations dans plusieurs pays du globe.
Mohamed Touri, qui fut arrêté auparavant en 1956 par les autorités coloniales et incarcéré à Serkadji pour ses principes nationalistes et ses contacts avec des membres influents du Mouvement national jugés subversifs, ne pouvait, de ce fait, faire partie de cette troupe artistique du FLN, tout comme Hassan El Hassani, Tayeb Abou El Hassan, Mohamed Ouniche, et beaucoup d’autres artistes qui étaient soit en détention, soit montés au maquis.
Ce qui expliquerait probablement pourquoi son nom ne figure pas dans la liste des 35 membres de la troupe artistique du FLN du fait de son incarcération ; entre-temps, cette absence ne diminuant en rien le grand mérite du militantisme d’un tel artiste profondément voué à son peuple et à sa patrie. Des sources rapportent qu’à la prison de Serkadji, Mohamed Touri a subi d’affreuses tortures, de l’avis de sa femme qui confirma que son mari aurait été incarcéré et torturé avant et après le déclenchement de la guerre de Libération nationale(1).
Sorti très éprouvé des geôles colonialistes, Mohamed Touri ne survécut pas longtemps aux séquelles des terribles sévices endurés, il rendit l’âme le 29 avril 1959 et fut enterré le lendemain, le 30, dans d’émouvantes obsèques. Le vaillant artiste qui avait servi loyalement l’art et son pays n’avait alors que 45 ans, n’ayant pas eu l’opportunité de voir les lueurs de l’indépendance. Mais il aura légué, auparavant, à la postérité, une vingtaine de pièces théâtrales, une douzaine de sketches humoristiques et quelques adaptations du répertoire universel qui l’ont confirmé dans son rôle de concepteur et interprète professionnel.
Parmi ses représentations où il s’affirma avec brio, on pourra citer Le médecin malgré lui, adapté de l’œuvre de Molière, le sketch Bkhor ya bkhor, etc., et pour ce qui concerne ses nombreuses chansons satiriques, citons Bent El Youm, Flouss, Samba Sambatero, Ya Moul Dar, Debek et Debka, Bouhadba, etc. Suivant l’ordre chronologique des productions de Mohamed Touri, le professeur Bayoudh énumère dans son ouvrage(2), les œuvres suivantes : Pourquoi tu es perdu ?, Au café, Mon bonheur, Docteur Allel, Le Kilo… datant toutes de 1940 ; Hier et aujourd’hui, Salek ya Salek, adaptation de Molière en 1949 et Zat Zalamit en 1951 ; Boukricha, Le Bossu en 1953.
Par ailleurs, Mohamed Touri a campé aussi nombre de rôles dans des productions cinématographiques et télévisuelles, telles que Maârouf, savetier du Caire, tourné au Maroc dans les années 40’ du siècle écoulé. Mohamed Touri repose au cimetière Sidi El Haloui de Blida, la ville des Roses où une salle de spectacle porte son nom(3), en hommage à ce valeureux et noble artiste algérien, réputé de son vivant pour sa grande modestie et son dévouement pour son peuple et sa patrie.